Quel beau pays !
Voici deux nouvelles qui, mises côte à côte, montrent certaines des contradictions qui nous sont consubstantielles.
NOUVELLE 1 (22/11/2012) : à la faveur du relèvement des seuils de dépôt et au titre du seul mois d’octobre, les français ont déposé 21,3 milliards d’€ de plus sur les livrets A et LDD. Rendement : 2,25%, net d’impôt, sans risque
[1]. Ancienneté du dispositif : 194 ans. Dépositaire : pour l’essentiel, la caisse des dépôts. Utilisation : principalement le logement social.
NOUVELLE 2 (19/11/2012) : le ministre délégué à l’économie sociale et solidaire annonce la volonté du gouvernement de doubler le nombre de SCOP et prévoit d’allouer 500 M€ à cet objectif, au travers de la future BPI.
D’un côté, le public vote avec ses sous en faveur d’une épargne de précaution à rendement résiduel quasi nul, au regard de l’inflation, en en confiant la gestion à des tiers (banques et Etat).
De l’autre, un Etat qui va insuffler dans l’économie un montant modeste, sous forme de prêt, quasi prêt et capital sans doute, les modalités étant disjointes de l’effet d’annonce.
Les objectifs et les attitudes ne sont pas les mêmes, me direz vous ! Et au fond, la démarche qui consiste à confier à l’Etat la mission de contribuer au développement économique et social est plus saine, puisqu’il est le reflet de l’intention collective, que celle qui mènerait à la confier à des intérêts privés qui outre le fait d’être faillibles, sont mal intentionnés, cupides, profiteurs … et anti sociaux (c’est en tout cas, me semble t’il, la perception dominante qu’en a le public).
Cela dit, j’invite les épargnants à regarder à 2 fois les arrangements entre amis (l’Etat et les banques) concoctés sous l’égide de la puissance publique pour continuer à se repaître de la valeur ajoutée qui peut être tirée de cette épargne.
Et une autre voie existe et a fait ses preuves.
Elle consiste tout simplement à allouer des fonds d’investissement aux partenaires sociaux, pour contribuer au développement économique et à l’emploi.
Je vois déjà mimiques et cris spontanés s’exprimer. Au fou ! Les syndicats !? Incompétents, profiteurs, non représentatifs … peut être même cupides et anti sociaux ?
Et pourtant ! Qui, mieux qu’eux, certes avec un logiciel revu et corrigé en profondeur, une représentativité bien plus grande et des modules de contrôle renforcés, peut se mettre en position de lutter contre les effets dévastateurs de la mondialisation contre laquelle les lignes Maginot de papier resteront inefficaces ?
Je vous épargne la liste des entreprises sacrifiées sur l’autel du rendement majoré
[2]pour conforter la position stratégique et les avantages induits pour le haut de la pyramide des grands groupes, là où un rendement plus modeste permettrait de sauvegarder des collectifs de travail qui sans cela, contribuent, mois après mois, à une déstabilisation sociale généralisée.
Alors, il est grand temps en effet, que le pouvoir sur leur propre avenir soit restitué à des communautés de travail. Certes, toutes les entreprises ne peuvent être maintenues, mais pour celles qui peuvent l’être, l’argent doit être une ressource et non un problème. Les activités nouvelles et innovatrices doivent également pouvoir recourir au même vecteur d’investissement.
Les solutions existent à l’étranger et sont connues des syndicats français, qui ne veulent cependant pas « mouiller leur chemise » ou « risquer leur peau » à gérer des entreprises. L’Etat, entité sans nom et sans responsabilité y pourvoira mieux.
Les syndicalistes québécois s’y sont risqué (allez donc voir leur site en cliquant), depuis bientôt 30 ans ! Et gèrent l’épargne des salariés avec des rendements voisins des 4 à 5%. c’est déjà mieux que le livret A … avec, au surplus, une boucle vertueuse qui allie salaires + cotisations sociales + vie sociale améliorés !
Avec moins de 10 millions d’habitants au Québec, ils gèrent environ 9 milliards d’€ d’épargne des salariés investie dans des entreprises.
Faites donc le calcul pour la France : …. probablement 70 milliards d’€ !
Alors, alors !
J’invite nos épargnants à modifier leurs allocations d’épargne et plutôt que de l’engouffrer moutonnellement dans les circuits d’escargot gérés par des gnomes, d’en demander l’investissement dans les entreprises à viabilité possible, innovatrices et nouvelles ou délaissées par de grands groupes et qui maintenues, permettront de repartir vers de nouveaux horizons.
Il faudra de la motivation. Il faudra de l’engagement. Il faudra de la réactivité et de la flexibilité. Il faudra des dirigeants. La tâche est importante et les malheureux 500 M€ affectés aux SCOP n’y suffiront pas. Au surplus, les salariés touchés par les restructurations ne veulent pas nécessairement tous devenir des coopérateurs.
Faites pression sur vos élus, contribuez à lancer un mouvement. Lequel contribuera à l’émergence de nouvelles activités innovatrices pour engendrer un monde dé massifié, plus mobile, plus ouvert sur le monde, plus vivant.
(1) N’oublions pas que l’épargne cumulée des français est supérieure à 2000 milliards d’€ si l’on additionne l’assurance-vie, les livrets A, bleu, développement durable et autres …qui « tournent » à la vitesse du diesel marin, quand d’autres acteurs (les universités américaines par exemple) gèrent des fonds d’investissement de plusieurs milliards d’€ dont le rendement couvre près de la moitié de leurs frais de fonctionnement.
[2] Mais elle est bien longue et s’allongera, comme l’ont signalé les gouvernants.